mardi 28 octobre 2008

Vicky Cristina Barcelona ou l’incursion manquée au pays d’Almodovar



Woody Allen avait tous les ingrédients nécessaires à la réalisation d’un nouveau chef d’œuvre : le duo de charme des actrices les plus en vogue du moment Scarlett Johansson et Pénélope Cruz, un Javier Bardem qui monte. Ajoutons à cela un cadre exceptionnel : Barcelone une ville maîtresse du rêve qui attise toutes les curiosités et une relation quadrangulaire autour du thème de l’insatisfaction amoureuse, a priori forte en rebondissements et « prises de tête ».

L’amateur de Woody Allen et de ses crises existentielles, était en droit de s’attendre, avec un point de départ aussi sulfureux, à une comédie névrosée. Hélas, il n’en sera pas ainsi. Exilé de sa terre natale, ne comptez pas sur Woody pour vous faire découvrir l’âme vivante de Barcelone. Le film nous montre au contraire un éventail de clichés espagnols : de l’art de Gaudi à la pratique de la guitare catalane, entre ballades bucoliques à bicyclette et diners aux chandelles.

Les stéréotypes imprègnent jusqu’aux personnages : Javier Bardem incarne si bien le peintre bourgeois-bohême espagnol totalement imbu de sa personne, qui ne sait parler que de lui et de sa relation avec son ex-femme Maria Elena. Quant à Penelope Cruz, dans la peau de Maria Elena, elle pousse à l’extrême l’image de la femme du Sud hystérique et folle.

Certes les personnages sont jeunes et beaux, ce qui ne peut les rendre complètement antipathiques. Cependant aucun n’est réellement touchant. Les émotions qui les animent sont soit inexistantes soit surjouées : Javier Bardem, en caricature du séducteur ibérique arrogant et suffisant, propose de faire l’amour à trois avec la même indifférence que l’on demanderait du pain à la boulangère. Pénélope Cruz en fait trop, dans le registre de la jalousie et de l’hystérie. Seul le tandem des deux copines sauve la mise : Vicky la prude américaine et Cristina, la blonde pulpeuse aventureuse, interprétées respectivement par Rebecca Hall et Scarlett Johansson, jouent juste. On pourrait toutefois reprocher à la jeune Scarlett de ne pas innover dans son jeu habituel de la blonde lascive insatisfaite (à la manière d’un Lost In Translation de Sofia Coppola ou de Match Point de Woody Allen).

Pourtant Woody Allen pose des questions délicates sur la difficulté des choix de vie, entre bohême et libertinage ou vie rangée, sur l’ennui de la bourgeoisie vieillissante. Mais il ne creuse pas en profondeur. Tout est ici abordé de façon légère, en témoigne la chansonnette qui clôture le film et qui vante les mérites de Barcelone. En somme, malgré le bien-fondé des questions soulevées, les personnages stéréotypés et le simplisme du jeu minent le film. La légèreté ne sied plus à Woody Allen, depuis qu’il a donné une nouvelle orientation psychologique à ses œuvres, dont Match Point en est le chef d’œuvre. Ici Woody en revient à des comédies presque superficielles, comme il l’a fait avec Scoop, et déçoit par son manque d’ambition. Vicky Cristina Barcelona se regarde comme un bon film du samedi soir, qu’on aura oublié, aussitôt rallumées les lumières de la salle.