jeudi 30 juillet 2009

Le Fait du prince : un Nothomb millesimé

Fidèle au rendez-vous de la rentrée littéraire depuis 1992, Amélie Nothomb propose cette année son 17e roman, Le Fait du prince. L’auteur à la production pléthorique a été photographiée et mise en scène sur la couverture par le couple d’artistes Pierre et Gilles dans un décor étrange : vêtue de noir, la tête couverte d’un chapeau à larges bords, agenouillée religieusement. Cette scène étonnante n’a qu’un rapport distant avec le roman, mais l’œil hagard du futur lecteur perdu dans la masse des nouveautés de la rentrée est immanquablement attiré par le livre. Mission accomplie pour l’éditeur qui confère à l’œuvre une belle accroche visuelle.

Retour au texte. L’auteur d’Hygiène de l’assassin offre une mise en bouche alléchante comme un roman d’Agatha Christie : « Si un invité meurt inopinément chez vous, ne prévenez surtout pas la police. » Voici l’étrange conseil donné à Baptiste Bordave, homme médiocre et sans épaisseur, par un convive lors d’un dîner. Le lendemain un riche Scandinave du nom d’Olaf Sildur sonne à sa porte et s’effondre sous ses yeux, victime d’une crise cardiaque. Influencé par sa conversation de la veille, Bordave décide de revêtir l’identité de cet inconnu et de changer de vie. Devenu Olaf Sildur sans état d’âme, il pénètre dans la villa du macchabée et s’y installe confortablement, encouragé par l’attitude accueillante de la charmante épouse du défunt.

Amélie Nothomb explore le fantasme universel de l’usurpation d’identité en le traitant par l’absurde et crée une atmosphère irrationnelle qui n'est pas sans évoquer Kafka : elle plonge son protagoniste dans un monde en huis clos, futile et menaçant. Le lecteur, lui, est suspendu au destin de cet imposteur dès les premières lignes : Bordave est-il victime du hasard ou d’un complot ? Comme dans Journal d'hirondelle, Amélie Nothomb renoue avec la sphère de l’espionnage et confirme sa maîtrise du suspense. Le protagoniste s’interroge : « Existe-t-il vacances plus profondes que de prendre congé de soi-même ? ». On assiste au fil du récit à une montée en puissance de la loufoquerie où les orgies de champagne succèdent à des siestes interminables. Amélie Nothomb livre sa vision de l’utopie où la liberté et l’imprévisible sont les maîtres mots. Le roman se lit vite, au point d'arriver abruptement à une conclusion de facture très classique et peu surprenante. La crédibilité de l'histoire, pourtant, importe peu : l’intérêt du récit réside dans son univers fascinant où l’étrange se mêle à l’inimaginable ; un conte de fée pour adulte en somme.

> Interview en vidéo d’Amélie Nothomb Télé Toulouse (durée 1:39)

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